Lecture différenciée 1 par un manager : Quels sont les atouts de la France d’aujourd’hui pour sortir de la crise ?

Publié le par Yvan Eckert, Engagement & Pursuit Director, HP Technology Services

 

Laissant à des experts de la macro économie (dont je ne suis pas !) le soin de traiter des atouts de la France, je vous propose d’adopter l’angle de vue humain et d’observer, plutôt que la France, les Français ou les habitants de la France de culture française, quelle que soit leur nationalité. Mon prisme pour cet angle de vue ? Celui d’un manager français d’équipes internationales dans une entreprise elle-même internationale de culture américaine.

Permettez-moi tout d’abord une petite provocation : la crise, quelle crise ?... Je ne vais pas chercher à montrer paradoxalement que le monde ne traverse pas une crise économique. En revanche, pour moi, les atouts (ou limitations) dont la France ou les Français peuvent se prévaloir sont intrinsèques à notre culture et notre Société. La crise, bien réelle, ne sert que de révélateur, d’accélérateur de tendances qu’il convient d’examiner à mon avis avec un recul indépendant de la crise. Shakespeare résumait ceci en une formule condensée: «when the sea was calm, all ships alike showed mastership in floating » (traduction libre : « tant que la mer est calme, tous les navires flottent parfaitement »). Dans un schéma classique d’observation sur nos navires -que la mer soit calme ou comme maintenant démontée- je vous propose des coups de projecteur sur nos forces et nos faiblesses face à l’avenir économique et sociétal au sens large ainsi que les opportunités et les menaces qui se présentent face à nous.

 

Nos forces

Est-il besoin d’entonner une nouvelle fois le refrain de la culture avec un K majuscule, si glamour, so french, le french flair (comme au rugby), etc… ? Peut-être bien que oui, en fait. En effet, tous les habitants de la France qui sont passés par la voie du bac on suivi des cours de philosophie pendant un an et de français pendant plusieurs années. Certes, ils y ont aussi peaufiné leur maîtrise du morpion ou du pendu, mais au minimum ils ont un vernis littéraire que nos homologues de n’importe quel pays, même de la vieille Europe, n’ont pas ou très peu. Par ailleurs notre système scolaire, qui a bien des faiblesses, permet au moins aux Français d’avoir des connaissances de base, outre en littérature, en langues (nous y reviendrons), en histoire et géographie, et en maths. J’ai observé à maintes reprises au travail que les professionnels français développent une pensée structurée, logique et des raisonnements étayés au-dessus de la moyenne. Non, le fameux esprit cartésien français n’est pas un mythe et même s’il nous joue des tours, en particulier avec les Anglo-Saxons (nous y reviendrons aussi), il nous permet de nous sortir souvent honorablement d’élaboration de stratégies, de développement de démonstrations, de présentations. L’esprit de synthèse, dont symptomatiquement il n’existe pas de traduction anglaise vraiment précise, est bel et bien une qualité française qui tranche face à l’océan d’analystes anglo-saxons et aux hordes furieuses de pragmatiques aux yeux bridés et aux chapeaux pointus.

Laissez-moi maintenant crever une baudruche que je vois souvent virevolter sous nos nez, radio-commandée par des Anglo-Saxons (encore eux !) goguenards : nous les Français n’aurions pas le sens de l’organisation. Promettez-moi de ne jamais, JAMAIS, laisser dire ça car c’est une contre-vérité comme aurait dit Marchais (ou Elkabach, ou les deux). Ne confondons pas deux concepts : l’organisation et la discipline, qui souvent s’entremêlent dans les jugements des étrangers. Le Français n’est pas –très- discipliné, quoique en progrès. Regardez le relatif respect des limitations de vitesse, encore complètement inconcevable il y a 10 ans. En revanche, n’ayons pas de fausse modestie relative à nos capacités d’organisation, surtout en regard des moyens mis en œuvre . Des exemples ? Les évènements sportifs ou spectacles de masse, les transports (si si ; avez-vous pris le train ou l’avion ailleurs qu’en France ? on a souvent peu à rougir), la santé (si si ; vous vous feriez opérer d’urgence avec la même confiance dans beaucoup de pays ?), les plans d’urgence face aux catastrophes. Bref un sens solide de l’organisation, aussi bien sur le plan du design organisationnel (comment on s’organise, avec quelle structure) que de l’organisation opérationnelle à proprement parler (qui fait quoi dans l’action, avec quels moyens, quel commandement, quels seuils d’alerte, etc…) qui nous place dans le peloton de tête.  

 

Nos faiblesses

Une faiblesse saute malheureusement aux yeux quand on a l’occasion de comparer (ce qui est mon cas) très régulièrement des pratiques professionnelles d’autres pays avec celles de la France : notre non-professionnalisme. Combien de fois ai-je eu des rendez-vous décommandés (ou tout simplement des lapins), des retards systématiques, des présentations mal ficelées et peu vendeuses, des revues baclées, etc…avec des Français ? Or, dans le même temps, j’ai été confronté beaucoup moins à ces actes manqués avec les homologues des Français. Ce qui passe chez nous pour du pittoresque sympathique est considéré, sachons-le, comme au minimum du manque de respect et au pire comme de l’arrogance. Le côté verbeux et brouillon n’amuse que nous et nous décrédibilise grandement alors même que ce n’est la plupart du temps qu’une simple question de forme. Donc en situation, il faut bétonner les fondamentaux : ponctualité, concision, précision qui sont des pré-requis pour simplement avoir le droit de jouer. Ensuite et ensuite seulement, on peut faire montre de panache, de synthèse brillante et structurée, etc… En rugby les Anglais disent « no scrum, no win » (pas de bonne mêlée, pas de victoire), ce qui veut dire que la brillance tombe à plat si les fondamentaux ne sont pas solides.

Deuxième défaut endémique dont il faut avoir conscience pour mieux s’en débarrasser et qui est quelque part associé au précédent : le doute, le scepticisme. Il est censé aller de pair avec l’esprit cartésien : tant pis, dommage il va falloir nettoyer ça. Regardez un balayeur américain et un balayeur français et vous comprendrez. L’américain a une casquette au logo de sa boîte, bombe le torse dans sa chemisette bleu clair repassée, un pantalon foncé, un trousseau de clé d’un kilo et demi au harnais de sa ceinture. Il a un job, en est fier, fait le métier et ne se pose pas de questions si ce n’est comment devenir le plus vite possible balayeur-manager. Le balayeur français lui a de grandes chances d’avoir le look ramollo. Peu de chances d’être bien rasé, pas super fier de lui et des regards en dessous qu’on lui glisse. Un autre état d’esprit…Ce doute, ce recul sarcastique se retrouve dans notre manière de maîtriser moins bien les langues étrangères que d’autres peuples. Combien de fois un lycéen français prend la parole en cours de langues au cours de sa scolarité et combien de fois est-il l’objet de rires en coin des autres élèves devant ses hésitations ?… J’ai vu maintes fois la différence dans  le jeu économique (ou même sportif) se faire en défaveur des Français à cause du manque de détermination, du doute, d’une inhibition dans la maîtrise de la langue étrangère. On cherche par culture qu’est ce qui va bien pouvoir ne pas marcher, plutôt que pourquoi ça va marcher… Savez-vous comment se traduit « pertes & profits » en anglais ? « profit & loss », c’est-à-dire littéralement « profits & pertes ». Tout est dit. Commençons par regarder comment on va gagner plutôt que pourquoi on pourrait perdre. Les Anglo-Saxons ont bien moins d’états d’âme que nous. Inspirons nous de leur pragmatisme.

 

Les opportunités

Voyons maintenant les opportunités à saisir à la lumière de nos forces, celles indiquées ci-dessus et quelques autres.

Le monde est global, pluriel, multi culturel, multi racial, etc… Ca tombe bien, nous aussi ! Les ingénieurs et commerciaux français sont de plus en plus appréciés par leur adaptabilité culturelle, leur bagage multiple et solide. Poussons nos feux et envoyons nos jeunes conquérir le monde, ils y seront plus à l’aise que bien d’autres. De même, à l’échelle de nos entreprises, elles sont plutôt moins arrogantes, mieux organisées avec des gens plus bosseurs que beaucoup de leurs concurrents. Si si ; ne laissez pas non plus dire que les Français glandent. C’est peut-être un peu plus vrai qu’avant dans l’absolu mais en relatif nous travaillons plus dur que la plupart.

Donc les Français, quand ils gomment leurs travers ont de belles opportunités de leadership industriel, politique, culturel dans le monde d’aujourd’hui et de demain.

 

Les menaces

Ce qui nous guette : une capacité limitée à se remettre en question, à s’inspirer pragmatiquement des autres pour avancer et aussi le ou les dogmatismes doctrinaires. Le premier exemple qui me fait bondir sont les fameuses 35 heures qui ont durablement en France altéré la grille de jugement de beaucoup de gens relativement au travail. Sans rentrer dans une polémique qui prendrait des pages, je pense que beaucoup seront d’accord avec moi sur le fait qu’on peut s’emm…der royalement pendant 34h par semaine et en être déprimé comme s’éclater 36h par semaine et avoir une pêche d’enfer en s’épanouissant. Par conséquent mettre en perspective le travail à la seule lumière de sa durée est tout simplement, aujourd’hui, une hérésie, même si bien évidemment la durée doit –aussi- être prise en compte.  Un autre exemple plus récent : le débat qui se met en place sur nos retraites dont la pauvreté du contenu est littéralement à pleurer. Notre approche est calée sur la dialectique marxiste et les minables manœuvres des syndicats et des partis politiques qui essayent de tirer les marrons du feu alors que d’autres pays sont passés à d’autres considérations sur le bien vieillir, l’individualisation des programmes de retraite, etc…

 

 

Alors, sommes-nous armés pour évoluer vers une meilleure prospérité de notre pays et de ses habitants ? Sommes-nous équipés pour affronter les tempêtes, celle-ci comme d’autres ?

Pour autant que nous connaissions nos qualités à mettre en avant et que nous sachions quels défauts gommer ou masquer, la France continue à développer un esprit, un mode de pensée, une façon d’être et de faire uniques. En Europe, la diversité de nos régions nous permet de se faire apprécier aussi bien des Méditerranéens que des habitants du Bénélux ou d’Europe Centrale en tant que cousins proches. Nous avons un historique, certes agité, mais constamment complice avec les différentes zones d’Afrique. Notre ouverture d’esprit nous permet d’être en plus phase avec beaucoup de pays d’Asie que bien d’autres de nos cousins occidentaux. Et les succès industriels, scientifiques, culturels et culinaires français aux Amériques ne sont plus à démontrer. Le monde est à nous : jeunes et moins jeunes de France, saisissons-le !

 

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