Qui est la nouvelle victime du système financier : La Grèce ou l'Union Européenne ?

Publié le par Virginie Monvoisin

La crise financière qui s’est déclenchée en septembre 2008 n’en finit pas de causer des dommages majeurs, la dernière victime en date n’est rien moins que la Grèce et par effet de ricochet la zone Euro et l’Union Européenne. Reste encore à savoir quelle va être l’ampleur de cette crise-là.

Pour l’instant, rien ne s’est fait dans la demi-mesure. Le facteur déclenchant de 2008, l’explosion de la bulle immobilière aux Etats-Unis et la faillite du système des crédits subprimes n’a pas simplement mis le système bancaire américain en difficulté. D’abord, il reste encore maintenant difficile d’estimer le nombre d’américains jeter à la rue – entre de 2,5 millions à 25 millions selon les sources ! – et dont la maison a été saisie. Ensuite, les banques américaines ont connu des taux record de défaut de crédit les précipitant mettant en péril leurs activités.

Bien entendu, les difficultés financières des banques se sont cumulées à une certaine fragilité financière. Les systèmes bancaires du monde entier cette fois pratiquent largement la titrisation, ce qui consiste simplement à vendre ou à acheter des valeurs mobilières. Cela signifie plus prosaïquement les banques et les marchés financiers sont interconnectés. Les défauts de remboursement des crédits subprimes ont alors impacté DEUX fois les banques : d’abord directement quand un ménage ne pouvait honorer sa dette – d’où un manque à gagner évidemment pour la banque –, puis indirectement si une autre banque a acheté un titre financier adossé à cette dette, le défaut de paiement du crédit ôte toute valeur à ce titre – d’où une dévalorisation des actifs de la banque.

La crise immobilière s’est transformée en crise financière. Or, la notion de « crise financière » recouvre trois réalités souvent distinctes. Elle peut être crise bancaire, crise boursière ou crise de taux de change. Malheureusement, les trois phénomènes ont ou sont encore observés. La crise bancaire a nécessité une intervention massive des autorités monétaires et gouvernementales pour empêcher un effondrement des systèmes bancaires. Les cours boursiers, après un plongeon spectaculaire, ne semblent se stabiliser que depuis 2009, bien que les mouvements restent erratiques. Quant aux taux de change, certains pays de l’Est notamment ont vu leur monnaie perdre de leur valeur de façon vertigineuse.

L’impact économique a été d’une extrême violence du fait de la restriction du crédit et des pertes en capital sur les marchés financiers. En 2009, nous avons connu des taux de croissance négatifs, faits rarissimes depuis la seconde guerre mondiale (en 1975 et en 1994). La première économie du monde affiche – 3% et des pays comme l’Ukraine descendent à – 17% !!! L’impact social est lui aussi sans précédent. En 1 an, l’Espagne est passé de 7% de chômage à près de 20%.

Faisons déjà un bilan : les systèmes financiers (marchés financiers et banques) sont touchés, les économies sont en difficulté et plus précisément les entreprises et les ménages. Certains États ont été également affectés, ce qui est là encore inhabituel car il ne s’agit pas de pays en voie de développement. L’Islande, pays ayant l’IDH le plus élevé en 2008, s’est trouvé au bord de la faillite. Dubaï a échappé également à la catastrophe grâce à l’intervention de son voisin Abou Dabi.

Le mécanisme reste le même dans tous les cas : une dette jugée excessive par les marchés – celle de son système bancaire pour l’Islande, celle de ces groupes de développement pour Dubaï – freine, voire empêche, les financements de l’Etat par emprunt, financements nécessaires en ces périodes de crise économiques. La solution reste la même dans tous les cas : un pays voisin ou proche se porte caution. Les marchés avides de titres stables ne demandent pas mieux que d’investir dans une dette souveraine, dont les probabilités de défaut sont quasi-nulles car les Etats font rarement faillite !!! Quand le Mexique se déclare en cessation de paiement en 1982, cela ne signifie pas que sa dette soit effacée comme pour une entreprise. Le Mexique a entamé dans les années 80 un long parcours de rééchelonnements de sa dette.

La Grèce vit actuellement une situation similaire : les marchés rechignent à investir dans la dette grecque suite à l’annonce fin 2009 des mauvais chiffres des comptes de l’Etat. Dans l’absolu ce n’est pas le volume des déficits et de la dette qui inquiète les marchés ; après tout, la dette japonaise représente 180% de son PIB alors que la Grèce n’en est qu’à 95%. Les investisseurs réagissent en fonction de la solvabilité des emprunteurs : les Etats-Unis dont la dette représente 25% de la dette mondiale n’ont pas de difficultés pour se financer car il s’agit de la première économie mondiale, donc de la plus solvable.

En quoi la Grèce ne serait pas solvable ? D’abord, joue en sa défaveur les critères de stabilité que les pays de la zone Euro doivent respecter. Bien que suspendus depuis octobre 2008, ils constituent une référence dont il ne fait pas bon s’éloigner. Ensuite, la Grèce accumule les « maladresses » en maquillant ses comptes, en dissimulant l’ampleur de ses déficits ou en reconnaissant l’existence de dysfonctionnements comme la corruption. Enfin, les hésitations européennes finissent de noircir le tableau et constitue même le handicap principal de la Grèce aujourd’hui.

En effet, la crispation allemande ou l’intervention du FMI sont autant d’éléments démontrant davantage la faiblesse européenne que la faiblesse grecque qui est incapable de se coordonner et d’agir rapidement. Pourtant, les événements de 1993 et l’attaque du SME auraient pu servir de leçon. Il n’en est rien. Les allemands ont même évoqué la possibilité de sortir la Grèce de la zone Euro, créant un vent de panique dans les institutions européennes et sur les marchés. L’Union Européenne semble incapable de faire face à la situation.

Naturellement, la crise s’intensifie. C’est maintenant l’Euro qui est attaqué, et le Portugal et l’Espagne risquent d’être les prochaines cibles des investisseurs. Comme en 93, il s’agit de s’en prendre aux pays les plus faibles pour tester les institutions. Le SME avaient explosé à l’époque. Comment la zone Euro et l’Union Européenne peut proposer une sortie par le haut de cette crise financière, économique, sociale et maintenant institutionnelle ?

La crise de 2008 n'est pas close... pour personne semble-t-il.

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