Facebook, le dilemme du manager et de la propriété

Publié le par Virginie Monvoisin

Cette semaine, Mark Zuckerberg a annoncé qu’il n’était pas pressé d’ouvrir le capital de son entreprise au marché financier et à l’actionnariat. Mark Zuckerberg est l’heureux fondateur de Facebook dont le capital a encore été estimé à la hausse, entre 1,2 et 2 milliards de dollars !!!

Les média ont relayé largement la nouvelle tant elle constitue une rupture avec les pratiques actuelles. Le secteur des NTIC (Nouvelles Technologies d’Information et de Communication) fonctionne depuis la fin des années 90 sur un modèle bien rodé. Des jeunes gens – souvent ayant encore un pied à l’université – fondent une société relative à l’internet ou aux nouvelles technologies et la revendent rapidement, bénéficiant à la fois de l’ouverture du capital et des revenus des brevets qu’ils ont déposé. Les fondateurs de Google, Larry Page et Sergey Brin, se retrouvent ainsi parmi les 10 plus grandes fortunes mondiales !!!

Le secteur des NTIC n’est que le reflet d’une tendance lourde du capitalisme. Les économistes ont clairement repéré que depuis 10-15 ans nos sociétés sont en train de passer d’un capitalisme managérial à un capitalisme actionnarial, fortement influencé par la tradition anglo-saxonne. Puisqu’il s’agit de capitalisme, la propriété des moyens de production est privée mais elle passe du dirigeant à l’actionnariat. Longtemps, la même personne (ou famille) détenait ET dirigeait l’entreprise ; maintenant, le manager et le propriétaire sont souvent deux personnes différentes, le « propriétaire » pouvant recouvrir un très grand nombre d’actionnaires.

L’impact pour le management est considérable. La gouvernance de l’entreprise se plie à la norme clé de création de valeur pour l’actionnaire (shareolder) : il faut satisfaire les intérêts des actionnaires au détriment souvent les autres partenaires (stakeholders comme les clients, fournisseurs ou salariés) et l’entreprise est devenue un actif financier comme un autre dont la valeur boursière doit être maximisée. L’outil central de pilotage devient l’EVA (Economic Value Added) qui consiste à obtenir un résultat net positif après rémunération de l’ensemble des capitaux investis, endettement et fonds propres, et donc à obtenir des dividendes suffisants pour les actionnaires. Bref, le terme des stratégies se raccourcirent car la création de valeur financière ne peut attendre les retours des stratégies traditionnelles qui souvent prennent plusieurs années.

Mark Zuckerberg explique justement qu’il veut mener à bien certains projets à long terme et qu’une introduction en bourse l’empêcherait de faire ce qu’il veut. L’ambition du jeune homme pour son entreprise est immense : Facebook serait l’outil privilégié pour accompagner le changement social profond provoqué par l’utilisation des réseaux sociaux. Zuckerberg incarne donc une catégorie de managers de plus en plus rare, ceux qui ont des objectifs de long terme pour leur entreprise, surtout dans ce secteur. Que ces objectifs soient sociétaux fait de lui une curiosité au XXIème siècle et nous rappelle les entrepreneurs à la John Ford de la fin du XIXème et du début du XXème siècle.

Mark Zuckerberg se donne bien les moyens de ses ambitions en renonçant à 2 milliards et en restant propriétaire de son capital. Il a parfaitement compris que pour gérer son entreprise à sa guise, il devait en rester le propriétaire ; il a parfaitement compris que la propriété n’est qu’un moyen et non une fin. Mark Zuckerberg nous montre encore une fois comment il est brillant.

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